Bernard Cadet
Université de Caen Basse Normandie (France)
Armelle Jacquet-Andrieu
Université Paris Ouest – La Défense Nanterre (France)

Émotions, langage et prises de décision : un réseau cognitif
(Эмоции, язык и принятие решения: когнитивная сеть)

Бернар Кадэ, Армелли Жаке-Андрие

Аннотация

«Когнитивная революция» сильно изменила связи между научными дисциплинами и их теориями и предлагаемыми моделями для объяснения поведения. Данная статья демонстрирует такую революцию, принимая во внимание взаимоотношения между эмоциями, языком и принятием решения.

Действительно, кроме очевидного внутреннего интереса к лучшему пониманию этих психологических состояний и их влияния на поведение, само их изучение, как взаимозависимых единиц, во многих отношениях иллюстрирует необходимость принятия новых стратегий анализа, которые учитывают холистическую природу поведения человека.

После краткого напоминания некоторых основных концептуальных моментов, авторы делают попытку представить традиционные точки зрения, существующие в философии, психологии и в нейропсихологии языка по этому вопросу. Затем, они продолжают показывать, как когнитивная нейронаука сразу начала рассматривать эти вопросы как тесно связанные в когнитивной сети.

С позиции холистического объяснения нам необходимо заново обдумать методологии, чтобы достичь лучшего объяснения холистических, динамических и прогрессивных аспектов поведения, используя сеть и «конструкты».

Résumé

La « révolution cognitive » a largement bouleversé le découpage des disciplines et les théories et modèles afférents, invoquées pour expliciter les conduites et comportements. Les relations entre émotion, langage et prises de décision, étudiées dans la présente contribution, en sont une illustration. En effet, outre l’évident intérêt intrinsèque d’une meilleure connaissance de ces états psychologiques et de leurs incidences sur le comportement du sujet, leur étude en tant qu’entités interdépendantes illustre, à bien des égards, la nécessité de recourir à de nouvelles stratégies d’analyse, respectueuses du caractère holistique du comportement humain. Après un bref rappel de la littérature, cet article s’attache à présenter les points de vue traditionnels de la philosophie, de la psychologie et les prémisses de la neuropsychologie du langage sur cette problématique, pour montrer ensuite comment les neurosciences cognitives ont d’emblée considéré ces trois références comme intimement liées dans un réseau cognitif. Respecter cette globalité amène à repenser les méthodologies pour mieux cerner et prendre en compte le caractère holistique, dynamique et évolutif des comportements à l’aide des notions de réseau et de « construit ».


Introduction

Depuis l’Antiquité, les relations entre émotion et prise de décision sont un sujet d’étude fréquemment développé. Assurément, cet intérêt jamais démenti tient au fait qu’il s’agit d’états psychologiques profondément humains et quotidiens. Aujourd’hui, l’éventail des disciplines concernées s’est largement ouvert, allant de la philosophie aux neurosciences.

Quels liens émotions et décisions entretiennent-ils et sous quelles formes se présentent-ils ? La « révolution cognitive » a grandement modifié les conceptions théoriques sur ces questions tout autant que les méthodes utilisées pour leur étude. Le présent travail, inscrit dans le paradigme de la cognition, traite de quatre points fondamentaux : 1) mieux définir les notions concernées et souligner le rôle du langage, 2) explorer les relations liant émotions et décision, 3) rappeler les apports récents des neurosciences, 4) souligner la nécessité devenue impérieuse d’éviter tout réductionnisme méthodologique en préconisant de nouvelles approches.

1 Relations entre émotion, langage et décision : repères conceptuels 

Les émotions longtemps réputées perturbatrices et changeantes peuvent-elles, après avoir été médiatisées par le langage, devenir opérantes et participer à l’élaboration de prises de décision rationnelles ? 

1.1 Éléments de définition 
L’expression « prise de décision » est entendue ici dans son acception la plus large, c›est-à-dire comme un choix délibéré d’actions, librement élaboré en vue d’atteindre un objectif, qui résulte de l’exercice des processus de traitement d’un ensemble d’informations.

Le terme émotion, quant à lui, désigne une « constellation de réponses de forte intensité qui comportent des manifestations expressives physiologiques et subjectives typiques » (Rimé, 1997). L’émotion est temporaire et nous y rattacherons des états émotionnels plus durables et plus stables : les affects. 

Dans l’optique fonctionnaliste, traditionnelle, les émotions sont réputées introduire « une rupture de continuité par rapport aux processus qui étaient en cours […] au moment de leur apparition » (Rimé, 1997) et c’est en référence à cette propriété que les données émotionnelles ont longtemps été considérées comme « perturbatrices », position théorique fréquemment  tenue pour dogme mais qui mérite aujourd’hui un réexamen à la lumière de travaux plus actuels. 

1.2 Relations entre émotion et langage 
De récentes recherches ont montré l’existence de relations complexes entre émotion et langage, beaucoup plus complexes que ne le considéraient les théories dominantes en psychologie (théorie de James-Lange, par exemple) qui concevaient l’émotion seulement comme une « réponse d’accompagnement », comme un mode d’expression psychique spécifique dont les contenus mentaux se limitaient à accompagner des modifications physiologiques. A contrario, les travaux publiés après 1990 (Stein et Tabasco, 1992 ; Wierzbicka, 1992, 1995 ; Bamberg ; 1996) conçoivent les émotions comme relevant aussi du registre de la cognition, en tant qu’éléments porteurs d’informations spécifiques. Elles sont considérées comme des entités structurées et complexes comportant plusieurs dimensions (Scherer, 2002) ou plusieurs niveaux (Luminet, 2002), en rapport avec la conscience (James, 1890) ; notons aussi que le linguiste Ferdinand de Saussure (1891) pose clairement ce dernier problème à propos du langage (Arrivé, 2008 ; Amacker, 2011). Les émotions sont d’emblée liées au(x) langage(s) (verbal, gestuels, sociaux, etc..) et comportent du matériau signifiant, « des informations » qui permettent leur reconnaissance, leur identification et leur catégorisation sans lesquelles aucune approche scientifique du domaine ne serait possible.

Les relations entre émotion et langage sont donc à la fois fondamentales et immédiates. Elles sont identifiées, répertoriées, classées et évaluées en utilisant des références sémantiques. Selon Wierzbicka (1995), les processus unissant émotion et langage comportent deux volets : les émotions relèvent d’abord de perceptions référées à une « sémantique universelle », de l’ordre d’un métalangage émotionnel commun à tous les humains, essentiellement gestuel et très méconnu encore (Turchet, 2009). En revanche, elles s’expriment, en tant que ressentis et sentiments, à l’aide d’outils culturellement spécifiques : les registres langagiers et les modes de traduction comportementaux propres à chaque culture. Pour Wierzbicka (1995, p. 235) : « chaque langue impose sa propre classification sur les expériences émotionnelles humaines ». Ceci amène à considérer qu’il existe un substrat universel, transcrit diversement dans des systèmes de représentation différents. Or, les langues naturelles, éminemment culturelles et insérées dans les situations multiformes de la communication, auront pour substrat structurel une base d’invariants universels qui assurent l’identification et la transmission du ressenti et/ou sentiment. Autrement dit, le langage évoque l’émotion pure, dans la prosodie et une part du stylistique, mais il structure aussi le ressenti et/ou le sentiment, donne aux émotions une signification au point qu’elles deviennent porteuses d’informations utilisables pour la construction des conduites. Au sens le plus littéral, les données émotionnelles (sens élargi) relèvent bien du registre de la cognition.

1.3 Émergence et gestion d’un réseau: émotions, langage, rationalité et décisions
Les contenus cognitifs langagiers liés aux émotions vont être utilisés pour que l’individu concerné parvienne à se représenter la situation et à décider quelle pourrait être la meilleure modalité d’action (conduite), permettant d’atteindre un objectif déterminé. L’émotion active d’emblée les processus cognitifs de reconnaissance et de représentation des connaissances ; elle sous-tend des rappels d’information qui permettent une planification et une évaluation de l’action avant sa réalisation effective (« Penser plus qu’agir » selon la formule de Bamberg). La représentation joue le rôle d’une épure, d’un substitut de la « réalité », à partir de laquelle la nature de la situation concernée va se trouver identifiée par un processus de « chunkage » (Sakai, Kitaguchi & Hikosaka, 2003). Les différentes actions potentielles sont alors comparées en référence à un critère, afin de déterminer la plus appropriée, compte tenu des caractéristiques du contexte, celle qui sera la plus « rationnelle ».

1.4 Première réflexion apportée par les neurosciences…
Dans le domaine des neurosciences – que nous évoquons plus précisément au point 3 –, le problème est parfois posé autrement. En effet, la rapidité du traitement des données perçues, suivi d’une action laisse à entendre l’incidence pertinente du monde émotionnel du sujet dont la réponse immédiate, semble court-circuiter une opération cognitive de reconnaissance, au profit d’un rappel et d’une disponibilité du connu lié à une réponse possible, même si celle-ci demeure unique (Berthoz, 2010 ; Damasio, 2010).

2 Décision et émotion : opposition et/ou complémentarité ?
Ces divers repères conceptuels montrent que trois caractéristiques principales peuvent être retenues : les émotions se présentent comme des entités à la fois de l’ordre de l’affect, de la disponibilité mnésique et de la cognition, elles s’imbriquent étroitement au(x) langage(s), et ce sont des grandeurs complexes relevant de facteurs universels, individuels et culturels.

2.1 Rappel des apports de la philosophie
Les rapports entre émotion et raison (rationalité) sont depuis longtemps l’objet de débats en philosophie, rappelés dans le titre et les thèmes développés dans quatre ouvrages fort connus de Damasio. Le premier (Damasio, 1994) fait référence à « l’erreur de Descartes », trouvant un point d’ancrage important dans le soi et « le sentiment même de soi » (Damasio, 1999), puis il évoque la primauté de l’émotion dans le choix de l’action, précisant ainsi que « Spinoza avait raison » (Damasio, 2003) et, enfin, le quatrième ouvrage concerne le sujet regardant son autre soi, « l’autre moi-même » (Damasio, 2010). Plus précisément, « l’erreur de Descartes » concerne le clivage établi entre raison et émotion, clivage qui ne permettait pas aux données biologiques et émotionnelles de participer à l’exercice de la raison. Pour Spinoza, au contraire, il existe des possibilités de fonder des actions rationnelles en se référant à l’émotion ou si l’on préfère, il existe une rationalité des émotions. Cette perspective est aussi celle de Hume qui, en 1748, publie un ouvrage intitulé : Enquête sur l’entendement humain, où il développe la primauté de l’émotion (de la « passion » dans la terminologie de l’époque), sur la raison. Remontons d’un siècle encore et référons-nous à Pascal (1670), à propos de « l’esprit de finesse » (lié à l’intuition), a contrario de « l’esprit de géométrie » (analytique)… Serions-nous dans la « finesse » pure, lors de cette saisie immédiate de la situation qui nous fait agir avec justesse, face à un danger par exemple ? Comme le dit Pascal : « Il faut tout d’un coup voir la chose d’un seul regard, et non par progrès de raisonnement, au moins jusqu’à un certain degré » [307]1 (en référence ici à « l’esprit de géométrie »). Dans le même ordre d’idée, Damasio (2010) se centre plus encore sur le sujet agissant que dans ses ouvrages précédents, rendant compte de la primauté de l’émotion et de l’impact majeur du tronc cérébral, système nerveux autonome (SNA), dans le circuit des émotions, les réponses émotionnelles et les actions cognitives subséquentes, immédiates.
 
2.2 Émotions et décisions : données de la psychologie
Sur le plan de la caractérologie, l’intérêt des psychologues pour l’incidence des émotions sur la décision s’est rapidement orienté vers la mise en lumière du rôle des sentiments sur la prise de risque. Isen & Patrick (1983) ont montré qu’une décision particulière, la prise de risque, variait en fonction des sentiments positifs ou négatifs du décideur face à l’objectif visé. Les personnes éprouvant des affects positifs (qualifiées de « joyeuses ») ne souhaitent pas prendre trop de risques, alors que celles qui éprouvent des affects négatifs (qualifiées de « mal-heureuses ») s’engagent volontiers dans des activités à haut risque et à potentiel de gain élevé. Dans le domaine de la conduite automobile, Nallet-Buisson (2009) montre, chiffres à l’appui, que l’exposition au risque n’est pas seulement une question de kilomètres parcourus mais bien aussi une question de comportement et elle valide le lien avec la personnalité. Parmi ceux qui éprouvent des affects négatifs, les « tristes » ou les « anxieux » se comportent différemment. Les premiers cherchent une récompense tandis que les seconds cherchent avant tout la réduction d’incertitude (Raghunathan & Tuan Pham, 1999). Les objectifs recherchés, manifestement de nature émotionnelle et affective, orientent donc de façon significative les décisions mises en œuvre et les risques encourus. Ces résultats expérimentaux viennent appuyer l’hypothèse selon laquelle le substrat émotionnel détermine nombre de prises de décision. Les premières contributions significatives qui spécifient la place de l’émotion se trouvent chez Lazarus (1991, a et b) : il met en évidence le rôle incitateur de la motivation, d’une part, et de l’émotion, d’autre part, sur l’adaptation, c›est-à-dire, in fine, sur la rationalité. La prise de décision est différente selon l’état émotionnel qui prévaut lors des processus de traitement, et ces états affectifs représentent des « éléments d’optimisation de la décision » (Naceur, 2010, p. 269), au sens où ils permettent d’élargir l’éventail des options disponibles et proposent différentes formes d’action pour les atteindre. On peut considérer que les facteurs émotionnels stimulent la créativité et permettent d’étendre la gamme des options possibles par activation d’aires corticales nouvelles (Vuilleumier, 2005), opération qui étend la gamme des choix d’action bien au-delà des opportunités fournies par la traditionnelle rationalité axiomatique, largement utilisée en économie, par exemple. Les états émotionnels sont donc des incitateurs ou des inhibiteurs de choix d’action, selon qu’ils sont positifs ou négatifs (Isen & Shalker, 1982 ; Isen & Patrick, 1983). Il devient désormais possible de considérer que les émotions sont des sources d’information, et l’on peut se référer à une « logique du ressenti » (Pham, 2004) ou, plus clairement encore, à la notion de « décision émotionnelle » (Barnes & Thagard, 1996), ce qui s’avère en concordance avec ce que nous évoquions plus haut, à propos du langage et des propositions de Damasio. On sait également que la prise de risque varie avec l’importance de l’enjeu (contrairement à ce que postulent certains modèles normatifs) ; la motivation sous-jacente joue un rôle déterminant dans l’intensité de l’activité cognitive (Raghunathan & Tuan Pham, 1999). Si, dans une même situation, nous sommes tristes ou joyeux, les décisions vont varier en conséquence. On a par ailleurs montré expérimentalement (Silvestrini & Gendolla, 2010) que « l’affect implicite » (c›est-à-dire des états affectifs non perçus mais opérants) oriente de façon significative la mobilisation des ressources cognitives et donc la pertinence des choix d’action.

3 Apports des neurosciences à la problématique des émotions 

Les neurosciences cognitives permettent aujourd’hui d’appréhender le problème de la décision dans sa globalité et d’y enraciner le rôle déterminant des émotions et leurs niveaux de conscience ; leurs conclusions vont aussi inciter le chercheur à envisager de nouvelles méthodes d’investigation.

3.1 Substrats neurologiques de la liaison émotion/décision 

Trois formations importantes à la base des relations entre émotion et décision : l’amygdale, le cortex préfrontal (Salzman & Fusi, 2010) et l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien (HHS)/ Hypothalamus-Pituitary-Adrenal (HPA), d’après Dickerson & Kemeny (2004). 

3.2 Des processus spécialisés et coordonnés

 Ces structures sont coordonnées sous la forme d’un réseau dont chacune des composantes porte une fonction spécifique. L’amygdale, d’abord, structure sous corticale activée par les messages sensoriels, se présente comme un centre de traitement de la plupart des informations émotionnelles : certaines de ses pathologies (Bechara, 2004) provoquent des déficits sur le plan émotionnel, associés à des impossibilités de décider. Le cortex préfrontal (fonctions exécutives) est un centre de traitement, en charge des opérations cognitives d’identification, de catégorisation, d’intégration des informations et de planification de l’action (Fuster, 2008 ; Salzman & Fusi, 2010). Enfin, l’axe HHS traite d’émotions négatives et de réactions de défense : c’est l’une des composantes déterminantes du stress et il est à l’origine de phénomènes psychophysiologiques, composantes de l’émotion.

4 Des choix méthodologiques plus ouverts et mieux appropriés
4.1 Fonctionnement en réseau 
Les résultats précédents indiquent que les données émotionnelles sont porteuses d’information au sens où, conjointement à des données provenant d’autres sources, elles contribuent au fonctionnement de réseaux cognitifs spécifiques, « entités émergentes […qui] se construisent, se modifient, s’adaptent et évoluent en fonction de leurs dispositions fonctionnelles » (Cadet, à paraître). Ce sont donc les récurrences reliées au milieu extérieur, les apprentissages et la culture qui vont favoriser la mise en place de ces réseaux sous forme de groupements fonctionnels de neurones (Anderson, 1995).

4.2 Des choix méthodologiques différenciés
Étudier ces réseaux au niveau de leurs résultats, c›est-à-dire des conduites efférentes, amène à procéder à des modifications méthodologiques fondamentales destinées à donner la primauté des choix épistémologiques à la réalité et à la complexité de chaque conduite. Le constat prime sur la représentation théorique, et la notion de situation (globalité) sur celle de variable (analytique). Ce sont donc les relations interactives à l’intérieur de la totalité du réseau qu’il devient important de connaître et reconnaître. Elles sont à l’évidence non linéaires alors que la grande majorité des techniques d’analyse multivariées mises en œuvre reposent sur le modèle linéaire général (GLM). L’une des pistes méthodologiques les plus prometteuses consiste à utiliser des construits (constructs) comme structures intermédiaires régissant le flux des processus cognitifs qui transitent entre la personne et la situation. Ces construits ne sont pas des événements mais des représentations cognitives (Smith, 2007).

Conclusion 
Les données scientifiques obtenues au cours des deux dernières décennies montrent l’importance de l’émotion dans les prises de décision. Toute décision s’accompagne ou repose sur un contenu émotionnel mais aussi, sur un état émotionnel du sujet. Il convient cependant de souligner deux points importants, absents de la plupart des travaux : 1) pour être opérantes (soit positivement, soit négativement), les émotions doivent être médiatisées par une forme de langage (linguistique et/ou gestuel), à divers niveaux de conscience, pour le sujet, 2) des études plus précises, rendant compte de l’impact de l’émotion sur la décision, montrent l’importance de la notion de réseau et requièrent qu’elle soit explicitement retenue, de préférence à celle de variable, car elle permet de traiter directement les conduites observées. Ce choix, qui devient inévitable, suppose d’importantes modifications de la visée épistémologique et des méthodologies expérimentales, en particulier, la référence à la notion de construit intermédiaire doit être introduite dans les protocoles.

Si l’on se réfère à l’imagerie, ses résultats semblent confirmer une forme de préséance de l’émotion sur la cognition, dans de nombreuses prises de décisions, en relation avec les acquis du sujet et les traces mnésiques, émotionnelles laissées par son expérience, même si l’action elle-même se déroule sur une base de temps beaucoup plus rapide : l’émotion est un élément déclencheur de l’action, et son flux perdure plus longtemps que l’activation de l’action elle-même. Enfin, les études de psychologie, plus centrées sur la caractérologie, le tempérament et les types de profils cognitifs concordent assez largement avec ce point de vue pluridisciplinaire et devraient permettre de préciser les faits à partir de situations concrètes, spécifiquement décryptées et étudiées. Enfin, un autre paramètre, rarement abordé, à relier à la conscience, est celui de l’intuition, intimement liée à l’émotion, plus, peut-être, qu’à la cognition elle-même : cette dernière assertion – qui nous renvoie aussi à Pascal – nous permet ici de proposer d’élargir le débat en regardant sa problématique sous un nouvel angle.

1 Blaise Pascal (1671). Pensées, Édition de Port-Royal.


Références

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Bernard Cadet, Armelle Jacquet-Andrieu.

Emotions, Language and Decision-making: Cognitive Network

Summary

The “cognitive revolution” has modified greatly links between scientific disciplines and the related theories and models proposed to explain behaviors. This article shows such revolution taking into account relation between emotion, language and decision-making. Indeed, beside the obvious intrinsic interest of a better understanding of these psychological states and their impact on behaviour, their study as interdependent entities illustrates, in many ways, the need of new strategies of analysis that consider the holistic nature of the human behaviour. After briefly reminding some fundamental conceptual benchmarks, this paper attempts to present the traditional views of philosophy, psychology and the premises of the neuropsychology of language on this issue. Then, it continues showing how cognitive neuroscience has considered immediately these references as closely linked in a cognitive network. With respect to this global view, we need to review methodologies, in order to reach a better account of the holistic, dynamic and progressive aspects of these behaviours by using the concepts of network and «constructs».


Армелли Жаке-Андрие является исследователем в Университете Парижа (Paris Ouest, UMR CNRS 7114, Models Dynamics & Corpus). После изучения языков и лингвистики, она защитила докторскую степень в области нейронауки /нейропсихологии и она также является клиническим и когнитивным психологом. Помимо проведения различных исследований и публикаций в области нормального и патологического языка, она проводит также исследования в смежной области когнитивной науки – теория и посредничество /реабилитация. Она также работает в области этики здравоохранения  в сотрудничестве с лабораторией медицинской этики и судебно-медицинской экспертизы (EA 4569), в Парижском  в университете Декарта (Paris Descartes University)

Armelle Jacquet-Andrieu est chercheur à l’Université Paris Ouest, UMR 7114 du CNRS, Modèles Dynamiques Corpus (MoDyCo). Après un cursus de langues et de linguistique, elle a soutenu un doctorat de Neurosciences/ Neuropsychologie ; elle est également psychologue clinicienne et cognitiviste. Outre ses recherches et publications dans le domaine des sciences du langage normal et pathologique, elle travaille dans celui, corollaire, des sciences de la cognition – aspects théoriques et de médiation/ réadaptation. Ses travaux débouchent enfin sur le domaine de l’éthique de la santé, en collaboration avec le Laboratoire d’éthique médicale & médecine légale de l’Université Paris Descartes (EA 4569).

Armelle Jacquet-Andrieu is researcher at the Paris Ouest University, UMR CNRS 7114, Models Dynamics & Corpus (MoDyCo). After studying languages and linguistics, she submitted a PhD in Neuroscience / Neuropsychology and she is also a clinical and cognitive psychologist. In addition to her different researches and publications in the field of normal language and pathologic speech, she works in the correlative field of the cognitive science – theory and mediation / rehabilitation. Her works are finally lead to the field of health ethics, in collaboration with the Laboratory of Medical Ethics & Forensic Medicine (EA 4569), at the Paris Descartes University.

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Бернар Кадэ в настоящее время заслуженный профессор когнитивной психологии и количественного метода в университете Кана, Нижняя Нормандия (Франция). Его исследования лежат в области когнитивной парадигмы и, в основном, в исследовании суждения и принятия решения при неопределенности и оценки риска в сложных и динамических системах. Он соавтор и научный редактор Psychologie du risqué (Психология риска) (2006), Cognition, incertitude et prévisibilité (Познание, неопределенность и предсказуемость) (2008) и Psychologie du jugement et de la decision (Психология суждения и принятия решения) (2009).

Bernard Cadet est actuellement professeur émérite de Psychologie Cognitive et de Méthodes Quantitatives à l’Université de Caen Basse Normandie (France). Ses activités de recherche, inscrites dans le paradigme cognitif, traitent du jugement et de la prise de décision en présence d’incertitude, de l’évaluation des risques dans les systèmes dynamiques complexes. Il est coauteur et éditeur scientifique de Psychologie du risque (2006), de « Cognition, incertitude et prévisibilité » (2008)et de  « Psychologie du jugement » (2009).

Bernard Cadet is currently Emeritus Professor of Cognitive Psychology and Quantitative Methods at the University of Caen, Lower Normandy (France). His research activities deal with the cognitive paradigm, with the focus mainly on judgment and decision-making involving incertitude, and on risk evaluation in complex and dynamic systems. He is a co-author and scientific editor of Psychologie du risque (The Psychology of Risk) (2006), of Cognition, incertitude et prévisibilité (Cognition, Uncertainty and Predictability) (2008) and of Psychologie du jugement et de la decision (The Psychology of Judgment and Decision-Making) (2009).

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